ASTRIA et Vous n°25 > Mars 2008

> Les vues et les jours donnant sur la propriété voisine

Les vues et les jours sont des ouvertures donnant directement sur la propriété attenante. La réglementation s'applique à toutes les propriétés privées, à l'exception des copropriétés horizontales, dont le terrain constitue un fonds commun à tous les copropriétaires. En revanche, les dispositions prévues par la loi sur les ouvertures s'appliquent aux lotissements, puisque chaque lot de terrain appartient privativement au propriétaire de chaque maison, sauf si le règlement du lotissement en dispose autrement.

Cette réglementation des vues et des jours permet de garantir et de protéger les particuliers contre les regards de leurs voisins contigus. Elle impose des prescriptions particulières pour la création d'ouvertures donnant sur les propriétés privées voisines, ainsi que les distances minimales à respecter.

 

Définition des vues et des jours

On distingue deux types d'ouvertures : les vues, droites et obliques, et les jours. La réglementation n'est pas la même selon qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre.

Une vue est une ouverture laissant passer le regard chez son voisin. Outre les fenêtres, sont concernés également les balcons, terrasses, mais aussi les portes et les escaliers extérieurs :

  • Les vues droites donnent directement sur le terrain contigu, on peut donc voir parfaitement chez le voisin sans effort.
  • Les vues obliques donnent sur le côté ou le biais de la propriété voisine. Il faut donc que l'intéressé tourne la tête à droite ou à gauche, ou encore se penche d'une fenêtre ou d'un balcon pour regarder chez son voisin.
  • Le jour, dit couramment « jour de souffrance », est une ouverture dans un mur qui ne laisse passer que la lumière, sans que l'on puisse regarder dans la propriété voisine. Il ne doit donc pas pouvoir s'ouvrir. Le jour est un verre épais, non transparent et fixe, appelé aussi « verre dormant ».

 

Les règles de distance des servitudes légales

La loi impose des distances minimales, selon que le voisin souhaite une vue droite, une vue oblique ou un jour.

Dans le cas d'une vue droite, un espace d'au moins 1,90 mètre entre le mur et la limite de la propriété voisine doit être respecté.

Dans le cas d'une vue oblique, l'espace doit être d'au moins 0,60 mètre.

 

Cette distance est calculée à partir de l'extérieur du mur ou du rebord du balcon ou encore de la terrasse, jusqu'à la limite de la propriété voisine. Il faut se placer à l'angle de l'ouverture la plus proche du terrain voisin.

Les jours ne sont astreints à aucune distance minimale de la propriété voisine. Ils doivent seulement être placés à au moins 2,60 mètres au-dessus du plancher en rez-de-chaussée et à au moins 1,90 mètre au-dessus du plancher en étage. De même, leur taille n'est pas réglementée.

Enfin, la loi prévoit que si le mur est mitoyen, l'un des voisins ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans le mur aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

 

Acquisition d'une servitude de vue

Plusieurs moyens de créer ou de maintenir une servitude de vue sont possibles. Ces ouvertures sont implantées à une distance inférieure à celle prévue par la loi et ne peuvent plus faire, sauf exception, l'objet d'une action en justice.

En premier lieu, si aucune modification des lieux n'a encore été effectuée, le voisin qui souhaite faire construire une fenêtre, un balcon, ou même faire installer un ou plusieurs jours de souffrance dans un mur de son habitation (pour donner de la lumière à son escalier intérieur par exemple), peut signer un contrat avec son voisin en passant outre la distance légale. Le contrat étant fait librement entre deux particuliers, le propriétaire supportant la servitude demande en général une contrepartie financière.

Pour être opposable aux tiers et couper court à toute contestation future, cet acte sera établi sous seing privé ou devant notaire et devra, pour être valable, être publié au bureau des hypothèques.

Ainsi, même en cas de mutation de l'une des deux propriétés, aucune action en justice ne pourra aboutir.

En second lieu, la servitude de vue peut s'acquérir par prescription trentenaire :

C'est le cas du voisin qui a fait construire en toute illégalité une fenêtre, un balcon, une terrasse ou encore une porte à une distance inférieure à la distance légale. Dans cette hypothèse, l'acquéreur de la propriété contiguë a tout intérêt à se renseigner sur la date de cette construction pour agir en justice sans attendre. En effet, au bout de trente années, cette ouverture sera considérée comme acquise et ceci pour tous les propriétaires successifs. Pour la procédure judiciaire, seule valable, c'est le tribunal de grande instance du lieu où est situé l'immeuble qui est compétent. La présence d'un avocat est obligatoire.

Enfin, la division d'une propriété en deux lots peut aussi créer une servitude de vue, en fonction de la limite de séparation des lots. Ainsi, dans certains cas, si deux propriétés situées sur un même terrain sont divisées pour être vendues séparément, l'une d'elle peut acquérir de fait la servitude de vue le jour de la division.

Une fois la servitude de vue acquise, le propriétaire débiteur de celle-ci ne peut plus agir contre le bénéficiaire. Autrement dit, ce dernier peut exiger le maintien de l'ouverture dont la distance est pourtant constatée comme illégale.

 

Les recours

Il faut savoir qu'une action en justice devant le tribunal de grande instance n'est possible que si la prescription trentenaire n'est pas écoulée. A défaut, la servitude de vue est acquise. Lors des débats, le voisin peut demander la démolition de l'ouvrage illégal et les juges ordonnent en principe la remise en état originelle. Cependant, certains juges prescrivent des aménagements sur l'ouvrage litigieux afin de faire cesser le trouble, sans pour autant imposer le retour à la construction d'origine.

 

Textes de références :

Articles 675 à 680 du code civil.